5) La Souffrance, pièce extraite de la Suite de 14 pièces pour piano : L’Adolescence en Quatorze Mouvances (Huzar - Nidesoleil)
14 Etudes de Caractères
Par S.A. Huzar
Peut-on qualifier d’éclairée, une civilisation qui sacrifie sans réfléchir le présent et l’avenir de sa jeunesse ?
La souffrance…
Fille de la douleur et du malheur, elle n’épargne que les insensibles et les statues de pierre. Cruelle, elle se délecte des cris de ceux qui crèvent la gueule ouverte sous ses coups. Égoïste, elle ne pense qu’à répandre le désespoir autour de son nombril radioactif. Excessive, elle ne supporte pas la mesure et prône éternellement la démesure de l’infini. Hystérique, elle hurle sur tous les toits qu’elle peut sévir de jour comme de nuit. Hypocrite, elle veut nous faire croire qu’elle ne partira plus ou qu’elle ne reviendra pas. Impitoyable, elle peut s’attaquer à toutes et à tous sans aucune différence ni distinction. Ivre, elle aime jouer sur tous les tableaux, d’abord discrète, puis lancinante, enfin brutale. Jalouse, elle se love au sein des couples les plus aimants, martyrisant l’amour et l’amitié. Orgueilleuse, elle se pavane au milieu des invalides, des malades et des écorchés vifs. Paresseuse, elle s’attache aisément au premier venu et se vautre sur tout un chacun. Vaniteuse, elle torture les coupables et les innocents en leur faisant entrapercevoir la fin. Vicieuse, elle peut mener le sage au royaume de la folie et le fou, au temple de la raison. Vorace, elle est toujours en quête de nouvelles victimes à dévorer, sa faim est sans fin. La souffrance nous rappelle, jour après nuit, nuit après jour, que nous sommes vivants. Mais lorsqu’elle s’absente ne serait-ce qu’un court instant, elle nous permet alors de redécouvrir et de goûter aux plaisirs infimes et aux joies les plus simples de la vie avec une intensité insoupçonnée. Loin d’elle, nous sommes en mesure de nous retrouver en osmose avec notre environnement. Sans elle, nous pouvons inspirer un grand bol d’air pur, boire une eau claire, nous réchauffer au coin d’un bon feu, prendre en nos mains une poignée de terre précieuse et observer avec des yeux émerveillés la nature vivante. Voici des biens inestimables que l’on peut parfois perdre de vue quand nous allons bien !
N.H. "